La louise : Une usine à souvenirs

Le Groenland. Je savais où j’allais sans imaginer ce que j’allais y trouver…

Témoignage de M. Lugeafoin – Août 2016

Mon voyage a commencé dans les airs. Enfoncée dans mon siège, le nez collé à la vitre de l’avion, le ciel m’a fait une faveur : l’épaisse couche de nuage qui nous suivait depuis le Danemark s’est subitement dissipée pour me laisser apercevoir les premiers kilomètres de terres du « vert pays ». Au large de celles-ci, de tous petits points blancs se distinguaient au milieu de la mer. Des icebergs ! Les premiers de ma vie, les premiers d’une longue série.

Vus du ciel les paysages sont tous plus beaux les uns que les autres. J’en ai déjà pris plein les yeux avant même d’avoir posé les pieds sur le pont de La Louise.
Le voyage s’achève en apothéose : la dernière correspondance pour rejoindre le bateau se fait en hélicoptère. Dix minutes de vol, dix minutes de bonheur. L’appareil survole la magnifique île d’Uummannaq, avant de s’y poser. Certains arrivent même à voir des baleines depuis le ciel paraît-il.

Fin du voyage, début de l’aventure. 

La Louise, goélette couleur « danette caramel », amarrée au port de pêche du village inuit, et son capitaine, Thierry Dubois, sont prêts à nous accueillir. Avant de prendre la mer pour une dizaine de jours, une ballade à terre permet de découvrir Uummannaq, qui signifie « montagne en forme de cœur » en groenlandais. L’ambiance du village, surplombé d’une imposante et singulière montagne, est paisible. Qui aurait imaginé meilleur endroit comme premier contact avec le pays ? Les maisons colorées, les pêcheurs, les chiens de traineaux qui attendent l’hiver. Ici on se sent bien.Aucun autre village à l’horizon, juste de l’eau.

Bien que le soleil de minuit ait disparu, la nuit n’a pas encore montré le bout de son nez, permettant des journées à rallonge. Le premier repas à bord de La Louise, s’annonce comme les suivants : succulent. Thierry, le capitaine-cuisinier, met un point d’honneur à nous régaler avec ses recettes à base de produits locaux (morue, bœuf musqué, agneau…). Après une première nuit passée à quai, la navigation sur les eaux groenlandaises peut commencer. Direction le fond du fjord de Kangerdlua pour s’approcher de ses glaciers. L’eau semble comme recouverte de glace pillée. Au milieu des morceaux de glaciers tombés dans la mer et des icebergs, il faut se frayer un chemin. Quel magnifique décor que cette étendue blanche encerclant la coque. Le bruit des blocs de glace qui se décrochent pour se jeter dans la mer restera gravé dans ma mémoire. Ici on oublie nos télévisions, on débranche nos smartphones.

La nature accapare nos sens.

Entre puissance et calme. Entre simplicité et immensité.

Sur notre route, nous croiserons d’autres glaciers avec en point d’orgue le plus touristique d’entre eux, celui d’Eqip. Et toujours cette même sensation, celle de se sentir petits face à ces monstres de glace qui me fascine.

La descente vers le sud nous a réservé d’autres belles surprises. Chaque jour est différent et amène son lot de surprises et de souvenirs. Majoritairement désertiques, les côtes et les plages changent de visages chaque jour. Parfois couleur chocolat, ils prennent des tons vert ou rouge, orangé, quelques kilomètres plus loin. De hauts sommets succèdent à de petites collines. Et parfois, au milieu de nul part, un village. Toujours colorés, toujours accueillants, toujours vivants. Les petits villages et les « grandes villes » vivent de manière autonomes. De la chasse, de la pêche et un supermarché dans chaque hameau. Une vie qui semble simple et qui invite à la réflexion quant à nos modes de vie d’occidentaux hyper actifs !

Outre les communes « traditionnelles », La Louise nous a débarqués sur les terres du village de Qullissat. L’endroit, un ancien village minier déserté dans le milieu des années 70, dégage une atmosphère particulière. Ici et là des maisons abandonnées. On imagine des rires d’enfants en voyant l’ancienne école. Nous rencontrons des habitants qui reviennent sur les terres de leur enfance tous les étés. Ils sont huit, sans eau, ni électricité. Les vieilles histoires reprennent vie à travers leurs visages et leurs voix. Retour vers le passé. Je bois leurs paroles, j’imprime leurs souvenirs. Des rencontres fortes, incroyables, avant de reprendre la mer vers le sud.

Sur notre route, les icebergs jalonnent le parcours.

Des petits, des gros, des blancs, des noirs, des bleus, des biscornus, des sculptés. Il y en a tellement que chaque minute est prétexte à une photo. Et ce n’est pas la vision des baleines qui arrange la situation !

Thierry nous avait assuré connaître un coin où il était quasiment impossible de les louper. Nous n’avons pas été déçus. Certaines nous ont escortés pendant plusieurs heures jusqu’à venir frôler la coque du bateau.
Spectacle magique que ces gros mammifères tellement agiles et gracieux dans leur déplacement.

Et cerise sur le gâteau, deux d’entre elles nous ont gratifié d’un petit saut ! Ces images, aussi éphémères soit-elles, restent gravées dans ma mémoire. Tout comme les phoques, les couchés de soleil, les contrastes de couleur entre la terre, la  mer et la glace. Quand on me demande ce que j’ai fait au Groenland, j’ai du mal à répondre.

Difficile de raconter l’intensité des paysages traversés. Difficile d’expliquer l’énergie si spéciale qui se dégage de ce pays. Difficile aussi de raconter les journées à bord de La Louise. Ce bateau a été notre refuge. Notre repère dans ce pays tellement grand qu’il faudrait des années pour prétendre le connaître un jour.

La magie arctique a opéré !

M. Lugeafoin – Août 2016